Extrait du manuel "Introduction au Confortisme", par Nicolas Chelay.
V. LES DEUX BOULES DE NEIGE
L'économie actuelle bute sur un problème capitalistique : en accordant de faibles salaires pour augmenter ses profits, individuellement, elle génère une pauvreté collective elle-même coûteuse en services publics, et donc une charge fiscale sur le consommateur, qui a moins de moyens, encore, pour acheter les produits capitalistes. En un mot : la pauvreté fait bugger le système. Une économie de bouts de chandelle se traduit par une raréfaction de la demande, là où un accroissement du pouvoir d'achat signifierait une hausse potentielle du chiffre d'affaires global. Plus les clients sont riches, plus ils ont la possibilité de consommer des produits. Ce plan n'a jamais pu être mis en place - Pourquoi ? En premier lieu, par frilosité des entrepreneurs, axés sur le profit à court-terme, et deuxièmement parce qu'un tel accroissement du pouvoir d'achat engendre très généralement de l'inflation, qui viendra reprendre le gain nouvellement acquis - exemple : les négociations salariales suivant Mai 68.
Inflation et hausse des prix mises à part, donc, le pouvoir d'achat des individus dépend souvent exclusivement de leurs salaires. Il s'agit d'un point important. Une hausse des salaires accordée dans une société signifie moins de profits - mais quant à la société, elle signifie une hausse du pouvoir d'achat d'un individu ou d'un groupe d'individus, potentiels consommateurs. Si cette hausse est assortie d'un contrôle - voire blocage - des prix, il est donc théoriquement possible d'engendrer une "boule de neige" de commerce tel que le Venezuela a pu en connaître une récemment lorsque son taux de population vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 80% à 50%. Voilà le but du Confortisme, engendrer cette bulle de commerce résultant de bonnes conditions de travail, de bons salaires, et de bons prix ! Nous pouvons l'appliquer en micro comme en macro économie. Commençons par la micro-économie, mais ne perdons pas de vue qu'un meilleur partage des bénéfices peut engendrer une hausse des bénéfices !
Cette idée n'est pas nouvelle : elle est empruntée au "multiplicateur" de Keynes résultant de l'augmentation des bas salaires, dans une économie plus axée sur la consommation que sur l'épargne. Cependant, là où Keynes voyait en l'Etat l'agent nécessaire à la poursuite de ce plan, nous affirmons que cette meilleure répartition, cette augmentation globale du pouvoir d'achat, peut se faire au moyen d'une plateforme mutualiste telle que le Confortisme, et par l'application de théories macroéconomiques basées sur des négociations tripartites - Etat, patronat, syndicats - comme cela a pu être le cas lors du Grenelle de 1968, assorties d'un contrôle des prix. L'avidité, la course au profit sur le court-terme de l'économie de marché ne peut engendrer qu'une pauvreté nocive pour cette même économie, à ceci près qu'un fort taux de chômage rend les travailleurs plus serviles, et fait baisser encore les salaires - par peur du déclassement.
La "main invisible" du marché, prise dans son aspect le plus réel, se résume donc à la peur du chômage et de la pauvreté pour le travailleur, à la recherche du profit commercial pour l'entrepreneur, au succès ou à l'échec d'un produit sur le marché. Si on porte foi, car il s'agit bien de foi, à la théorie de l'autorégulation des marchés, alors on obère totalement les crises économiques qui, si elles se résolvent, auraient tout aussi bien pu ne pas se produire ! Ces crises qui sont bien visibles à notre époque, comme celle des subprimes et du crédit à la consommation, tout cela n'étant qu'une modernisation de l'usure, c'est-à-dire d'emprunts à taux souvent variables s'établissant ultimement aux alentours de 20%, et assortis de frais ! En résumé, par exemple, on a cru pouvoir faire tenir un système financier basé sur la pauvreté et l'arnaque, une banque prêtant mille euros à un chômeur pour ensuite se faire rembourser par petites mensualités, et à un taux ahurissant, engendrant un remboursement très difficile de la somme empruntée. Les mensualités, de vingt euros admettons, grevées par l'usure et par les frais, ne remboursant que dix euros au final, ce qui fait que le souscripteur se retrouve avec une dette qui, soit, diminue très faiblement, soit augmente ! C'est le principe même de l'arnaque, d'accorder un service irremboursable ou hors de prix ! Et ceux qui professent la liberté des marchés se sont donc goinfrés de cette manne usurière fondée sur la crédulité des pauvres, sur les mathématiques, et sur un enchaînement qui, lui-même, a provoqué la faiilite de ces mêmes banques lorsque les marchés financiers, affolés par la perspective de ne pas voir ces dettes remboursées, ont revendu leurs stocks d'hypothèques et de prêts devenus "toxiques"; d'où une boule de neige bancaire dépressive s'adjoignant à une crise sociale sans précédent : des millions d'emprunteurs se sont alors retrouvés surendettés, expulsés, et dans tous les cas apauvris. C'est la destinée logique d'un système emprunteur mondial basé sur l'usure - à trop vouloir gagner d'argent, on tue la poule aux œufs d'or !
Et ce qui vient à peine de se produire - les crises des subprimes, du crédit à la consommation, et de la dette grecque - peut se réitérer demain sur les assurances-vie, sur les monnaies, et sur d'autres dettes ! Les clés sont la confiance du marché et la demande effective; dans un état de jungle, il est bon que le gibier soit abondant.
Nicolas Chelay.