• La guerre et l'exemple

     Extrait du manuel "Introduction au Confortisme", par Nicolas Chelay.

    La guerre et l'exemple

    IV. LA GUERRE ET L'EXEMPLE

     

             Le vingtième siècle a été, de très loin, celui qui a été le plus meurtrier pour l'humanité; nous en sortons à peine. C'est aussi durant ce siècle qu'ont été expérimentés une grande part des droits dont nous jouissons aujourd'hui. De même que le 16e siècle, qui a tant vu les progrès scientifiques européens que de terribles guerres de religion, la dernière centaine d'années a vu naître l'ONU et l'ordinateur, tout autant que les génocides au Rwanda et au Soudan. Ce n'est donc pas la technologie, ou l'instauration de structures démocratiques mondiales (a minima), qui garantiront un monde sans atrocités.

             Qu'est-ce, alors ? La guerre et l'exemple. Tout système qui ne respecte pas les conditions initiales de la démocratie, le rejet de la torture des opposants politiques par exemple, est le terreau idéal pour un modèle politique autocratique. Pour faire simple : Ceux qui sont arrivés au pouvoir, même par la voie des urnes, s'ils commencent à trier le peuple et à utiliser la terreur, ont peu de chances d'accepter de quitter le pouvoir à la faveur de ces mêmes urnes. Les autocrates sont nombreux aujourd'hui, en Afrique et en Asie notamment. Leurs régimes imposés par la force ne peuvent être combattus que par la force. De là, vient le terrible paradoxe que ceux qui veulent vivre dans un monde meilleur, et qui souvent sont pacifistes, doivent d'abord apprendre l'Art de la Guerre, et confier leurs rêves démocratiques à des structures militaires. Que font les militaires, une fois au pouvoir ? Généralement, ils le gardent, à leur tour !

             La guerre et l'exemple. Car le rapport de force n'est pas tout. Les révolutions ont ceci de particulier qu'elles sont tantôt très faibles, et tantôt très fortes; C'est parce qu'il n'y a pas qu'un seul pays sur Terre. Dix pays peuvent croupir sous la dictature depuis un siècle. Mais qu'un seul se réveille, et les neuf autres, entraînés par la logique bien connue "La liberté ou la mort", jouant le tout pour le tout, ont des chances de s'en sortir également. Ce qui était presque inexistant hier devient, aujourd'hui, la nouvelle force politique. Pour un temps. C'est la valeur de l'exemple. Les êtres humains ne se battent pas seulement contre un système, ils veulent profiter également d'un modèle qui leur convient mieux. Ainsi, nous pouvons défendre la démocratie par les armes, c'est-à-dire par le pire et le plus nécessaire des moyens, ou par l'illustration, en organisant une option que d'autres pourront copier et adapter à leurs particularismes.

             C'est cette voie que les confortistes doivent choisir, a contrario des communistes autoritaires et de leurs zones d'influence. Les confortistes ne sont pas là, à mon sens, pour être l'avant-garde du monde, la solution à tous les problèmes, celle qu'on ne pourra que choisir, mais pour être une base de repli, et un bon exemple pour les autres. C'est-à-dire que la substance du Confortisme n'est pas dans un rapport de force, mais dans ses idées, et dans leurs résultats. C'est-à-dire que la tâche du Confortisme n'est pas de détruire tous les autres systèmes, mais de persister comme une option que des peuples et des individus pourront choisir. Un parti unique confortiste est absurde; nous devons être nous-mêmes, tant originaux qu'inspirés par les différents courants de pensée politique passés, présent et à venir. Le cosmopolitisme confortiste est une nécessité, dans une dynamique expérimentale comme la nôtre. Nous ne voulons pas que l'Etat devienne tout-puissant, ni qu'il ne pallie plus aux dérives des marchés. Pour cette raison, différentes structures commerciales sont à élaborer et à pratiquer, bien qu'elles se rejoignent sur nos valeurs, de même que l'étiquette politique des confortistes se définira d'abord par la défense des deux voies : celle du bon commerce, et celle de la bonne politique. Comprendre : Avant de vouloir changer le monde, nous devons déjà faire la preuve de nos idées sur une petite échelle, appliquer nos valeurs, nous former à l'exercice public, nous inspirer de nos alliés et de nos racines intellectuelles, aider les causes qui nous sembleront proches des nôtres, et préférer une petite action pérenne à l'attente d'un grand soir qui, s'il vient jamais, peut encore favoriser des structures dictatoriales.

             Petit à petit donc, progressivement, en écoutant chacun et en respectant, même, nos adversaires. Nous serons là parce que nous serons justes, et que nos produits seront excellents, parce que nos idées seront inventives et respectueuses de l'individu; pas parce que nous aurons, en un instant t, cumulé plus de la moitié des voix. La politique n'est pas tout ! Plutôt que de décevoir des militants qui réaliseront que, comme dans de nombreuses structures politiques, ils n'ont pas vraiment de pouvoir, nous voulons qu'un confortiste puisse être utile à la cause à tout moment, par son travail et par ses idées. Nous voulons qu'en-dehors des échéances électorales et des opportunités qu'elles offrent, nos militants ne soient pas seulement là pour tenir des banderoles. Nous voulons que le laboratoire politique confortiste fonctionne depuis son premier souffle, et se perpétue ! Que chaque individu qui le compose puisse y laisser sa marque, ainsi que le proclame notre slogan : "Par la preuve". Il s'agit donc pour celui qui veut enrichir ou modifier un élément de notre système, de faire la preuve de la justesse de sa vision, par l'argumentation et, s'il y a consensus, par l'expérimentation. Nous avons déjà réfléchi à de nombreuses pistes d'activités commerciales et politiques. Pourtant, cela ne pèsera, j'en suis sûr, pas très lourd face au potentiel inventif collectif futur. Vous n'avez pas besoin d'un chef ou d'une administration qui vous dise quoi faire - ce sont les autocrates qui sont ainsi ! Vous avez besoin d'une hiérarchie éclairée et attentive, éclairée tant par ses propres idées que par les vôtres, une organisation méritoire qui permette à ceux qui en ont  les capacités, non de diriger mais d'orienter les autres, et de rejeter ceux qui ne respecteraient pas nos valeurs. Concrètement, nous capitaliserons les pistes commerciales et politiques, pour vous les redistribuer - c'est-à-dire que vous pourrez vous orienter entre différents métiers, et exprimer et apprendre la matière démocratique. L'Anarchisme est tentant, avec son organisation horizontale; Cependant, je propose que nous lui préférions un hybride, qui reconnaisse tant les mérites du travailleur que celui de l'entrepreneur, tant le travail du militant que celui du cadre.

    Pourquoi ? Parce que nous avons besoin de référents et de personnes qui assument leur rôle, c'est-à-dire que nous ne pouvons nous connaître tous, et que le partage des tâches doit être bien effectué, lié par l'exercice démocratique permettant à chacun de proposer ses idées. Le réel se chargera de séparer le bon grain de l'ivraie, et les possibilités des illusions. Le profit (qui permet la redistribution) et la popularité démocratique seront nos seuls maîtres - nous devrons être rentables tout autant que philanthropes, afin de survivre, afin d'être élus !


    Nicolas Chelay.


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