• Contre les partenariats public-privé actuels

     

      Je transmets ici un article sur les PPP, du Canard Enchaîné, qui résume tout-à-fait le bien que je pense de ces pratiques. Si l’idée mérite d’être creusé, peut-être, les pouvoirs publics devraient d’abord apprendre à négocier de bons prix, pour l’intérêt du public :

      En voilà une belle idée pour planquer la dette ! Depuis 2008, le père la rigueur Sarko a mis le turbo sur les chantiers public-privé : des facs, des prisons ou des hôpitaux sont payés, non par l’Etat, mais par un poids lourd du BTP, auquel l’Etat verse ensuite un loyer. « Une bombe à retardement » qui coûtera « 60 milliards d’euros d’ici à 2020 », estime « Le Parisien » (9/1). La palme du plus beau fiasco revient au nouvel hôpital Sud-Francilien de Corbeil-Essonnes : un monstre de 1000 lits et 20 blocs opératoires construit avec une rare dextérité par Eiffage. Comme « Le Canard » l’a déjà raconté (16/3), ce champion a trouvé le moyen de livrer un service de néonatologie sans biberonnerie, des meubles en agglo – véritables lits à microbes – dans un service de réanimation ou des plafonniers branlants au-dessus des tables d’opération. Un audit a relevé 8000 malfaçons ! Du coup, l’hôpital, livré depuis un an, n’a toujours pas vu l’ombre d’un patient. Mais l’Etat paye déjà son énorme loyer : 40 millions par an ! La chambre régionale des comptes a fait le calcul : sur trente ans, l’Etat versera 1,2 milliards de loyer à Eiffage. Alors que s’il l’avait payé lui-même en empruntant à 4,5%, l’hosto lui aurait coûté 757 millions.

      Au zoo de Vincennes, note « Le Parisien », le loyer atteint aussi des niveaux « himalayens » : le Museum d’histoire naturelle allongera 12 millions pendant vingt-cinq ans, soit là encore, à l’arrivée, deux fois le coût du chantier… Quant au « Balardgone », le Pentagone à la française, il est évalué à « 745 millions », hors maintenance. Mais l’Etat versera 3,5 milliards de loyer au veinard qui a remporté cette martingale, un certain groupe Bouygues.

      Depuis quatre ans, la Cour des comptes en a des suées : un peu trop facile, quand les caisses sont vides, de refiler le bébé au privé. En février 2008, premier rapport au lance-flammes : le rabat-joie Philippe Séguin dézingue une « myopie coûteuse ». Mais Sarko oublie de chausser ses lunettes. Sept jours après l’alerte de la Cour, il annonce une belle loi de « stimulation des partenariats public-privé » pour muscler son plan de relance. Voilà la recette miracle déclinée à toutes les sauces. Pour un pont sur la Garonne, des éclairages publics, un collège dans le Loiret, la fac Paris-Diderot, le grand stade de Lille… La moitié des places de prison sont déjà construites – et gérées – par le secteur privé. Une « solution de facilité » avec un « fort risque budgétaire » à la clef, soupirait encore la Cour des comptes en octobre.

       Et un plan en béton pour les champions de BTP : contrairement à un bête marché public classique, ces chantiers ne sont pas saucissonnés en plusieurs lots. A la trappe, les petites boîtes ! Les géants Bouygues, Eiffage ou Vinci se partagent en famille tout le gâteau…


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  • Pour de nouvelles prisons

                Au jour du premier novembre 2011, 64711 personnes étaient détenues dans nos prisons comptant 57268 places disponibles. Soit un taux d’occupation de 112,9%. 10237 aménagements de peine (semi-liberté, placement à l’extérieur, liberté conditionnelle…) ont, par ailleurs, été prononcé. Des aménagements en hausse constante ces dernières années. Une méthode compréhensible…

                En effet, la France a déjà été épinglée de nombreuses fois par Amnesty International, entre autres ONG, en matière de gestion de son univers carcéral. Elle figure d’ailleurs parmi les plus mauvais élèves de l’Union Européenne. Et, tandis que les grèves de personnel pénitentiaire s’enchaînent, dénonçant une « situation explosive », nous serions bien mal avisés de détourner le regard sur le problème de la surpopulation dans nos prisons.

                Avant de hurler avec les loups, cependant, notons que le 17 janvier 2012 a été votée à l’Assemblée Nationale une loi visant à créer 24397 nouvelles places en cinq ans. D’un point de vue strictement logique et mathématique, l’Alliance Confortiste Française soutient ce geste, qui fera peut-être retomber un peu la pression en milieu carcéral. Toutefois, une réflexion plus large mérite d’être menée.

                Distinguons plusieurs problèmes : d’abord, l’effet externe de la surpopulation pénitentiaire. Les places manquent. Que demande-t-on aux juges, alors ? Réponse on-ne-peut-plus logique : on leur demande de prononcer de plus courtes peines. C’est ainsi que des agresseurs, et même des violeurs, n’écopent plus de prison ferme, mais de sursis et d’amendes. Oui, des violeurs ! Nous en sommes là ! Et lorsqu’est prononcé une peine d’enfermement, parfois après de nombreux délits punis par du sursis, quelles sont les peines ? 6 mois, un an, deux ans dans de nombreux cas. Loin de vouloir défendre un point de vue réactionnaire, force est de constater qu’avec les réductions de peine, cette politique rate l’objectif de l’emprisonnement : décourager une récidive. Ce sont toujours les mêmes qui défilent dans les tribunaux, avec des casiers longs comme le bras alors qu’ils sont à peine majeurs. L’ACF, sur ce sujet, se place au niveau des citoyens honnêtes et dégoûtés : en premier lieu, les agressions sexuelles doivent systématiquement être punies par de l’enfermement ou un traitement psychiatrique ; deuxièmement, il vaut mieux être sévère une fois que laxiste dix fois. Les crimes et les délits violents doivent être lourdement sanctionnés… et, ainsi, de nouvelles places de prison doivent impérativement être construites.

                Afin de faire bonne mesure, il faudrait également que les élites de ce pays puissent faire l’objet de telles dispositions. Plus clairement : ces places seront aussi destinées aux politiciens corrompus !

                Deuxième problème, et non des moindres : l’effet interne de la surpopulation. Outre le surmenage et le danger croissant  auquel les surveillants sont exposés, la situation des prisonniers peut s’avérer très grave. Nous défendons une politique simple : des cellules individuelles, type studio aménagé. Aujourd’hui, on assiste à des situations où 3, 4 détenus doivent partager un espace d’une dizaine de mètres carrés. Dans un milieu où l’on estime qu’environ un tiers des prisonniers sont atteints de troubles psychiatriques (mais les places en HP manquent également ! Quelle horreur !), on peut facilement imaginer ce qui peut arriver. Passer des années aux côtés de pervers sexuels, de brutes, de schizophrènes, se passe de commentaires.

                Pour nous, la prison est faite pour faire réfléchir à ses actes. Une cellule individuelle y convient parfaitement. Même si les peines alternatives existent, pour les courtes peines, pensons d’abord aux cas les plus graves. Il est vital de considérer leur dangerosité, d’abord, mais surtout de ne JAMAIS se départir d’humanité. Diverses études le prouvent : la réinsertion du détenu est facilitée par de bonnes conditions de détention. Le contraire mène à la folie, aux troubles du comportement, à la rancune envers l’autorité. Le modèle idéal, à notre sens, étant le modèle nordique : en particulier pour les jeunes délinquants, de petites structures dans lesquelles les prisonniers ne sont pas livrés à l’oisiveté, mais apprennent un métier, sont largement encadrés, et disposent d’une cellule individuelle. Les taux de récidive, là-bas, y sont très faibles. Nous demandons aux pouvoirs publics de réfléchir aux qualités de ce modèle, et encourageons tout ce qui pourra faire baisser la surpopulation carcérale.


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  • Pile ils gagnent, face on perd !

    Source : Siné Hebdo

     

      La richesse du monde, c’est 60 000 milliards de dollars. Et les produits dérivés financiers, ces « machins » spéculatifs, 720 000 milliards de dollars, douze fois le PIB mondial ! Tout va nous péter à la figure. Les explications de Thierry Philipponnat de l’ONG Finance Watch.


      Vous saviez que votre banquier vous roulait dans la farine. Mais vous n’imaginiez pas qu’il était complètement fou, aveuglé par l’argent facile. Le problème, c’est qu’il va se ratatiner la gueule, en vous entraînant au fond du trou. Ce scénario, nous ne le devons pas au dernier marxiste-léniniste de l’Hexagone. Thierry Philipponat, la petite cinquantaine sportive, a travaillé à la City de Londres et à Paris, notamment à BNP Paribas et à l’UBS, la grande banque suisse, pendant un quart de siècle. Sa spécialité ? Les produits dérivés. Un produit dérivé, c’est un instrument financier. Une sorte de contrat entre un acheteur et un vendeur qui fixe des flux financiers futurs fondés sur ceux d’un actif sous-jacent, réel ou théorique. Les produits dérivés ont été créés pour permettre aux entreprises de se couvrir contre différents risques financiers. Mais aujourd’hui, les transactions sur les produits dérivés représentent l’essentiel de l’activité des marchés financiers.

      Vous n’avez rien compris ? C’est normal. Les financiers ont tout fait pour que nous ne comprenions rien. Le problème, c’est qu’eux n’y comprennent plus rien non plus. « Le produit dérivé, c’est le droit d’acheter un actif financier ou de le vendre, mais ce n’est pas l’actif lui-même. Par exemple, vous et moi, nous échangeons le droit d’acheter un verre à deux euros. Vous m’achetez le droit de l’acheter, pas le verre. Et ce que nous venons de faire, c’est douze fois le PIB mondial », explique Thierry Philipponnat. Pour faire simple, les produits dérivés, c’est à 95% de la spéculation.

      Vous pouvez vous dire que les produits dérivés ne vous concernent pas. Mais votre banque, si. Elle s’en est même empiffrée. « Quand on regarde les bilans des banques, entre deux tiers et 80% des actifs correspondent à de la spéculation. », constate-t-il. « Je ne suis pas gourou, mais je vois bien qu’il y a des pertes qui commencent à s’accumuler dans les bilans des banques et qu’elles ne sont pas couvertes par les fonds propres », souligne l’ancien financier. L’Autorité Bancaire Européenne (EBA) a aussitôt trouvé la panacée : renforcer les fonds propres des banques en les portant de 7 à 9%. « Quand Lehman Brothers a fait faillite, il avait un ratio de 11% et, plus récemment, Dexia a sombré avec 10,4%. Le système ne devient pas beaucoup plus solide avec cela », répond le secrétaire général de Finance Watch. « Depuis quatre ans, on a pris des mesures qui résolvent 0,1% à 1% des problèmes ».

      L’ancien financier reconnaît qu’il a été un peu lent. Ca lui a pris deux décennies pour quitter un monde de la finance qui marchait sur la tête. « Nous sommes dans une économie socialisée quand ça va mal et privatisée quand ça va bien ! » La philosophie des banquiers ? « Si je gagne, c’est pour moi, si je perds, c’est pour les autres ! » Mais, depuis, Thierry Philipponnat s’est racheté. Il est devenu membre du bureau exécutif d’Amnesty International avant de prendre la direction, tout récemment, de l’ONG Finance Watch, installée à Bruxelles.

      A sa naissance, en juin 2011, Finance Watch a été présentée par « les Echos » comme « le Greenpeace de la finance », une ONG capable de répondre aux arguments avancés par les banques dans le débat public. En effet, chaque fois qu’il y a une crise, la presse se contente de demander benoîtement aux banquiers d’expliquer les causes de ce nouveau désastre. Ils répondent en chœur que c’est la faute aux subprimes, aux fonds souverains, aux emprunts toxiques, et pourquoi pas, au réchauffement climatique. Jamais la leur. Alors qu’ils n’ont fait que se gaver en spéculant, oubliant leur vrai métier, celui d’aider les entreprises et les particuliers. « Pourquoi avons-nous un système où la finance échappe à l’économie ? Pourquoi avons-nous un système où les banques font faillite tous les trois ans, et ce qui fait qu’après, c’est au contribuable de mettre de sa poche ? » dénonce-t-il.

      L’idée de créer cette ONG n’est pas venue d’une bande de gauchistes, mais de députés européens, de gauche, écologistes, mais aussi de droite. Leurs vœux ? Une expertise de haut niveau sur la finance qui puisse servir de contre-lobbying pour faire valoir l’intérêt général contre l’intérêt privé des banques. « A Bruxelles, il y a 700 lobbyistes payés pour influencer la règlementation financière au profit des intérêts privés de l’industrie financière. Chaque lobbyiste facture 500 000 euros en moyenne par an, ce qui fait un budget de 350 millions d’euros., juste pour influencer les élus ! » constate Thierry Philipponnat. Un exemple de l’action de cette ONG ? Elle s’en est prise au Credit Default Swap (CDS à nu), des produits dérivés qui permettent de spéculer sur les dettes des Etats souverains. « Au lieu d’écrire qu’il était moralement inadmissible de faire de l’argent sur la faillite des autres, nous sommes restés sur un point de vue technique pour que les politiciens de tous bords s’en emparent. Nous avons montré que ces instruments ne servent à rien quand tout va bien, et ne font qu’empirer les choses quand tout va mal », explique le secrétaire général de Finance Watch. Bingo : les députés du Parlement européen ont interdit ces instruments.

      L’ONG, qui comptera une douzaine de personnes d’ici la fin 2011, propose trois niveaux de communication. Le premier, très technique, pour cadrer le débat. Le deuxième cible les politiques, les fonctionnaires, les régulateurs. Le troisième, enfin, s’adressera au grand public, pour permettre une pression. « La comparaison avec Greenpeace est pertinente. Nous sommes un contre-pouvoir aux forces économiques. Mais la comparaison s’arrête là. On n’a pas d’argent pour les zodiacs et on ne va pas descendre la Tour Eiffel en rappel. Poser les vraies questions sur la finance, c’est moins glamour que de se faire photographier avec une baleine », sourit Thierry Philipponnat.

      Ian Hamel, Siné Hebdo.

     


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  • Un point sur les paradis fiscaux

      Après un article plutôt positif sur les avancées récentes de la gouvernance mondiale, voyons à présent l’un de ses gros points noirs : les paradis fiscaux. Ce texte est une synthèse d’une brochure de CCFD – Terre Solidaire

     

      Notre planète compte 192 Etats [NDLR : plus certains territoires comme la Palestine ou les Etats non-reconnus]. On compte au moins 60 Etats ou territoires considérés comme paradis fiscaux. Soit 3 fois plus qu’il y a 40 ans. Plus de 50% de l’argent du commerce international transite par ces territoires. Ils abritent près de 11 000 milliards de dollars, dans plus de 2,4 millions de sociétés écrans notamment…

      Les paradis fiscaux sont les trous noirs de la finance internationale. Ils reposent sur une idée simple : articuler fiscalité faible, secret et opacité. En pratique, ils ne coopèrent ni avec le contrôleur des impôts, ni avec les juges étrangers. Ils n’appliquent pas non plus les règles de prudence financière. Les trusts, par exemple, permettent à une personne de faire gérer son patrimoine ou ses activités par un bénéficiaire donné. Ni le bénéficiaire, ni le créateur du trust ne peuvent alors être identifiés (même s’il s’agit de la même personne…).

      A la City de Londres, il suffit de 45 minutes et de 555 euros pour créer une société, sans fournir la moindre pièce d’identité…

      Les premiers utilisateurs des paradis fiscaux sont les entreprises multinationales qui évadent leurs bénéfices en capitaux : elles génèrent plus de 60% des richesses concentrées dans ces territoires. Comment ? Les maisons mères des multinationales multiplient leurs filiales dans les paradis fiscaux, puis elles manipulent leur comptabilité pour faire artificiellement apparaître  les profits dans ces filiales non imposées.

      Imaginons une multinationale de la banane : Magic. Du Guatemala au Royaume-Uni, elle contrôle l’ensemble du secteur de la banane. Dans sa filiale guatémaltèque, Magic achète ses bananes une misère au petit producteur, mais pratique aussi la fraude fiscale. Elle surfacture l’achat des caisses pour stocker les bananes 1000 Euros pièce, ce qui gonfle ses charges d’exploitation, et elle sous-facture la vente des bananes à seulement 100 Euros la tonne, réduisant ainsi son bénéfice à néant. Résultat : la filiale de production est déficitaire et non imposable.

      En fait, les bananes vendues à un prix dérisoire l’ont été à une filiale sœur et elles vont faire l’objet d’une série d’autres transactions au sein du groupe avant leur vente finale ! En effet, pour chaque service habituellement nécessaire au commerce, Magic a établi une filiale spécialisée, enregistrée dans le paradis fiscal le plus avantageux. En Irlande les royalties pour la marque, aux Bermudes la facture pour la distribution, au Luxembourg le service financier, etc…

      La plupart de ces sociétés sont fictives – de simples boîtes aux lettres – et tout est réalisé au siège de Magic. Mais en démembrant ainsi la valeur dans sa comptabilité, le groupe peut localiser artificiellement ses profits dans les paradis fiscaux. Finalement, la filiale commerciale britannique achètera la banane quasiment au prix de vente au consommateur et, avec ses profits dérisoires, ne sera pas non plus imposable…

      La France a dressé sa propre liste de paradis fiscaux : 18 confettis pesant moins de 0,20% de la finance offshore mondiale ! Selon l’ONG internationale « Tax Justice Network », l’Etat du Delaware aux Etats-Unis est le paradis fiscal le plus nocif au monde.

      En 10 ans, 13 demandes d’informations ont été mises en œuvre entre la Suisse et les USA : autant dire que la coopération entre administrations est pour le moins longue et sinueuse… Il est vrai que dire à des paradis fiscaux de coopérer avec des autorités étrangères, c’est demander à des territoires souverains d’aller contre leurs intérêts nationaux. Mais une autre voie est possible : en 2 ans, la France, l’Allemagne et les USA ont obtenu près de 160 000 noms des fraudeurs potentiels et rapatrié plusieurs milliards à la maison : l’information venait de divers scandales de « listes volées » aux banques (UBS, HSBC…). Et si le G20 demandait l’information directement aux pensionnaires des paradis fiscaux ?

      Quand les chiffres ont du sens…

      5 : On peut éradiquer 5 fois la faim dans le monde avec l’argent qui s’échappe des caisses des pays du Sud.

      10 : Quand 1 euro d’aide publique au développement arrive du Nord, 10 euros s’échappent des pays du sud vers les paradis fiscaux.

      50% : le Ghana estime que l’évasion et la fraude fiscales lui coûtent 50% de son budget annuel.

      1000 : l’ONG « Christian Aid » a calculé que l’évasion fiscale est responsable de la mort de près de 1000 enfants par jour dans les pays en développement.

     


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  • Syrie - Floraison de journaux révolutionnaires


      Syrie – Alors que le régime de Bachar El-Assad est confronté depuis neuf mois à une révolte populaire, les opposants s’organisent pour diffuser une autre information que celle des médias officiels. Et se raconter.

      « Nous parlons de ce que vous avez sur le cœur. » C’est le slogan de la radio Un + Un, la première fréquence syrienne libre et indépendante. Elle émet à partir d’un site Internet – grâce à une équipe de « jeunes filles et jeunes garçons syriens unis par l’amour de leur pays », ainsi qu’elle se présente elle-même. « Nos voix sont diverses, mais notre rêve est le même ; une Syrie libre, un Etat de droit et un régime démocratique. »

      Selon Pares, le responsable des programmes, la station parle de toutes les cultures qui cohabitent en Syrie, des Assyriens aux Kurdes en passant par les Arabes, sans oublier les Tcherkesses et les Arméniens. Il s’agit de faire entendre la voix des jeunes qui ne sont pas encartés dans un parti et de soutenir la mobilisation populaire en faveur de la liberté. L’équipe a démarré avec douze volontaires et elle compte aujourd’hui quarante personnes, qui diffusent interviews et informations locales, notamment.

      Avant cette radio, des médias papier avaient déjà vu le jour, dont les hebdomadaires « Hourryat »(« Libertés »), « Al-Badil » (« L’Alternative ») et « Al-Haq » (« La Justice »). D’autres restent limités au web : ainsi, « Souryana » « Notre Syrie ») ou « Boukra » (« Demain ») sont diffusés par courriels au format PDF ou simplement consultables sans téléchargement – pour ceux qui craignent une saisie de leur ordinateur par la police.

      « Al-Haq » se présente comme un hebdomadaire politique indépendant de huit pages, traitant de l’actualité de Damas et de sa région. De son côté, « Al-Badil » est publié sur quatre pages par un comité indépendant de soutien à la révolution, qui s’est donné pour mot d’ordre : « Liberté, justice, citoyenneté » et veut faire la preuve que « la révolution est capable de produire de l’information ». « Dès le premier jour de la révolution, le peuple syrien a réussi à envoyer au monde les images des crimes commis par le régime. Il est aujourd’hui capable de maîtriser toute la technologie des médias. »

      La revue « Muthaqaffun ahrar li Surya hurra » (« Intellectuels libres pour une Syrie libre »)  se présente quant à elle sous forme de page Facebook, avec un bulletin d’information complet au cœur des évènements. Selon Lama, l’une des fondatrices, « la mise en ligne sur Facebook a été préférée à une distribution au format PDF parce qu’elle nécessite moins de coordination – difficile et dangereuse dans les conditions actuelles – entre les nombreux intervenants ».

      Beaucoup d’éditorialistes réputés y contribuent en effet, tels que Tassin Al-Haj Saleh, Rosa Yassin Hassan et d’autres militants et journalistes. La plupart des intervenants signent de leur vrai nom. N’est-ce pas dangereux, d’autant qu’ils se trouvent en Syrie même ? « La peur n’est plus l’élément déterminant aujourd’hui, répond Lama. La foi dans la cause l’emporte. »

      Une rubrique propose la traduction des principaux éditoriaux et analyses de la presse mondiale concernant la Syrie, une autre des récits des manifestations, une autre encore la révolution vue par les enfants. De même, la rubrique « caricature » explique les structures mentales du milicien du régime, une figure hideuse.

      La revue « Souryana », lancée le 26 septembre dernier, a pour devise une citation de Gandhi : « A l’instant où l’esclave décide qu’il ne sera plus esclave, ses chaînes tombent. » Selon Souad Youssef, l’un des fondateurs, l’objectif est d’ »offrir des informations vraies, la réalité vécue par les Syriens, et non la propagande des médias officiels. » Bien qu’elle paraisse en ligne pour des raisons de sécurité et de coût, elle est parfois imprimée par des militants. Son premier numéro aurait ainsi été tiré à 800 exemplaires. « Nous sommes en communication permanente par Internet car, si nous nous réunissions physiquement, nous risquerions l’arrestation collective, dans le meilleur des cas. »

      Karym Layla, rédacteur en chef de la revue « Hourryat », abonde dans le même sens. « les publications révolutionnaires méritent qu’on mette sa vie en danger, estime-t-il. Notre sang n’est pas plus précieux que le sang de ceux qui s’expriment quotidiennement sur la répression. Chacun fait ce qu’il peut. » après des décennies de répression, « Hourryat » a pris son envol le 22 août, explique Karim. « C’est le premier hebdomadaire de la révolution, écrit par les plumes de la révolution, imprimé dans les maisons des révolutionnaires et distribué malgré la menace de se faire arrêter ou éliminer. Nous essayons de contourner le danger autant que faire se peut, en le diffusant nous-mêmes au cours de manifestations et en le déposant de nuit devant les portes d’immeuble, mais le danger reste réel. » Une équipe de militants réunit les informations, documente les cas de torture, rappelle le destin des martyrs, raconte les manifestations et retrace le parcours des réfugiés. Tout cela est imprimé en un lieu tenu secret.

      « Au début la revue avait quatre pages, aujourd’hui elle en compte seize, couvrant la politique, l’économie, la littérature, publiant des opinions, sans compter le travail de prise de conscience à propos de l’Etat de droit, du respect de l’autre, de la liberté d’expression et de la culture du dialogue. » explique Karim. Une version électronique a été lancée depuis et elle est diffusée par des exilés en Occident lors d’évènements consacrés à la Syrie.

      Boukra a commencé sous forme d’une page quotidienne sur Facebook, avec le mot d’ordre « J’aime la Syrie, c’est tout. » en septembre, son équipe a préparé un dossier de vingt-sept pages sous le titre « L’opinion privée de liberté, comment résister ? » Celui-ci retrace l’histoire des disparitions forcées, aborde la question des prisonniers d’opinion sous l’angle de la législature syrienne actuelle, se demande si « le bourreau est une victime » et offre cinq pages de témoignage de prisonniers politiques de la révolution du 15 mars (début de la révolte syrienne). Il étudie également les effets psychologiques, sociologiques et économiques d’une arrestation, puis la façon dont cela se répercute sur l’art et la littérature syriens. Un autre dossier, plus récent, porte sur « la résistance civile, la force de la non-violence ».

      Pour leur maquette, ces publications ont recours à des artistes qui s’appliquent à donner une identité visuelle à la révolution. Là encore, les œuvres de certains grands noms, sculpteurs et peintres, tels que Youssef Abdelki, sont en ligne sur Facebook.

      Et si le régime finissait par tomber ? « Hourryat deviendrait un journal officiel, s’amuse Karim. On garderait le même titre, mais aussi le même contenu défendant les hourryat (libertés). Nous ne serons jamais comme le quotidien Al-Thawra (« La Révolution »), porte-parole du régime actuel syrien, qui s’acharne contre la révolution. »

      Zeina Irhim – Courrier international.

     


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  • Christopher Kullenberg, thésard le jour, cybermilitant la nuit

    Source : Courrier International

     

      Il creusait des tunnels quand les autorités dressaient des murs : avec ses amis du réseau Telecomix, ce thésard de Göteborg a permis aux opposants de se connecter à Internet en Tunisie, en Egypte et en Syrie.

      C’était juste après minuit, dans la nuit du 27 au 28 janvier : Hosni Moubarak avait alors donné l’ordre aux fournisseurs d’accès de verrouiller tout le réseau Internet. Quelques minutes plus tard, l’Egypte s’est transformée en « Corée du Nord ». Seul un unique câble, posé au fond de la Méditerranée, a empêché que le pays ne soit totalement coupé du monde – il permettait à la Bourse du Caire de rester ouverte. Même le réseau de téléphonie mobile avait été coupé – tout cela pour isoler les Egyptiens et entraver l’opération « Jour de la colère », quand des centaines de milliers de personnes devaient converger vers la place Tahrir, après la prière du vendredi, pour protester contre la dictature.

      Cette nuit-là, Christopher Kullenberg était installé devant son ordinateur, dans son logement étudiant. Le jour, il est thésard en théorie des sciences à l’université de Göteborg ; la nuit, il est cybermilitant. Il fait partie d'’n noyau dur de hackers et de militants disséminés à travers l’Europe et réunis sous le nom de Telecomix.

      Le 28 janvier donc, sur son écran d’ordinateur, Christopher Kullenberg a vécu en direct la coupure des connexions en Egypte : il était en plein chat avec un contestataire égyptien quand la communication a été interrompue. Que faire ? sur le chat de Telecomix, les échanges ont fusé, avec les propositions les plus farfelues. Une antenne a même été dressée en Belgique dans l’espoir d’entrer en contact avec des radioamateurs égyptiens, mais tout ce que les hackers ont réussi à capter, ce fut… la radio de l’arme égyptienne.

      Quelqu’un a suggéré d’utiliser des numéros de fax égyptiens, car le réseau de téléphonie fie était toujours en service. Et cela a fonctionné.

      Les membres de Telecomix ont récupéré de vieux groupes de modems datant de l’époque où les cybercommunications passaient par les lignes fixes. Une fois le matériel acheminé sur place, une cinquantaine d’égyptiens, tout au plus, ont ainsi pu se raccorder à Internet au moment où le réseau était officiellement suspendu. Suffisant pour faire sortir les informations du pays. Christopher Kullenberg et ses amis n’ont quasiment pas fermé l’œil pendant plusieurs jours.

      Telecomix a été créé le 18 avril 2009, lors d’une soirée organisée chez lui, ils n’étaient qu’une dizaine et s’étaient rencontrés lors du procès du site de téléchargement Pirate Bay. Ils s’inquiétaient de l’instauration du « paquet télécoms » - directive européenne sur les télécommunications – qui menaçait le droit à un web libre et ouvert à tous. Telecomix a entrepris de faire pression directement sur les décideurs. Le collectif a créé un site qui donnait les numéros de téléphone des députés européens et il exhortait les internautes à les appeler. « Nous avions trouvé un moyen de court-circuiter le processus politique », se félicite Christophe Kullenberg. L’UE était alors la cible favorite de Telecomix. La présence dans ses rangs d’un homme comme Christophe Kullenberg, dont le titre universitaire légitime l’organisation auprès des acteurs politiques, est un atout précieux.

      A l’été 2009, lors de la « révolution verte » iranienne, « nous avons joué le rôle de support technique auprès des révolutionnaires », raconte-t-il. La révolution a raté son but, et le cybermilitantisme aussi, constate-t-il avec le recul. Mais l’Iran n’était qu’un début, présageait-il dans « Le Manifeste cyberpolitique », son premier et pour l’heure unique ouvrage, publié six mois avant le début du « printemps arabe ». Il avait vu juste.

     

      « La liberté d’expression, c’est le fait que le réseau fonctionne »

     

      Christopher Kullenberg partage une petite pièce avec deux autres thésards dans l’ancienne cour d’appel de Göteborg, une vieille bâtisse en brique. Son manifeste est là, quelque part au milieu des piles de livres qui jonchent son bureau. Il est censé terminer les derniers chapitres de sa thèse, mais, sur son écran d’ordinateur, c’est le chat de Telecomix qui défile. Difficile de dresser son portrait, même si son parcours est connu : Il naît en 1980 dans la petite ville de Bodafors, dans le Smaland (dans le sud de la Suède), d’où il s’envolera vers l’adolescence. Là, il passe le plus clair de son temps à la bibliothèque de l’université. Il suit un double cursus, décroche la note maximale à ses examens. Devient thésard. Avant d’être aspiré – lui qui fréquentait surtout jusqu’alors le monde analogique – par le trou noir de la cyberpolitique. C’est en effet l’époque des descentes de police contre The Pirate Bay, et celle de la création du Parti Pirate.

      Ce qui l’intéressait alors, ce n’est pas le téléchargement de musique gratuite, mais ce que devient le web, infrastructure commune de notre liberté d’expression. Il est difficile de ranger Christophe Kullenberg dans une catégorie. Il évolue dans plusieurs univers à la fois et détonne, où qu’il se trouve. Dans la culture hacker, c’est le philosophe qui, au fond, est davantage versé dans les lettres que dans la technique. Il fait penser à un instituteur à l’ancienne coincé dans une époque numérique, avec une aptitude particulière à traduire une technologie complexe en une politique qui parle à tous. Telecomix n’est qu’un biais parmi d’autres. Il est également membre du groupe Julia, un think tank qui œuvre en faveur d’un web libre et ouvert à tous. Sur son blog et sur son compte Twitter, partout, le message est le même : « J’essaie de traduire en politique une pratique existante ».

      Il ne fait partie ni de ceux qui croient que nous prenons inexorablement le chemin d’une société policière, ni de ceux qui affirment que la généralisation de la fibre optique s’accompagnera nécessairement d’une diffusion de la démocratie dans le monde. C’est précisément pour cette raison qu’il croit le cybermilitantisme nécessaire : pour aiguiller le cours des évènements dans la bonne direction.

      En soi, Internet n’est pas démocratique : Christopher Kullenberg est le premier à le reconnaître. Ce qui ne l’empêche pas de voir dans les progrès de la technologie un grand potentiel pour la démocratie. A ses yeux, Internet s’apparente au feu de Prométhée (le titan de la mythologie grecque qui a subtilisé le feu aux dieux pour le donner aux hommes), un pouvoir extraordinaire capable à la fois de nous affranchir ou de nous asservir selon l’usage que nous en faisons.

      « N’importe qui peut ouvrir un blog, n’impore qui peut se mettre à tweeter », se félicite-t-il. Une nouvelle forme de culture participative, où quelques clics suffisent à sensibiliser l’opinion, se substitue peu à peu aux flux d’information à sens unique des médias traditionnels. Et la façon de faire de la politique en a été profondément bouleversée, analyse-t-il. « Les réseaux sociaux font que les jeunes du Moyen-Orient n’ont plus besoin d’être représentés : ils peuvent désormais communiquer directement avec vous et moi ». [NDLR : la communication n’est pas tout… il y a la loi, aussi !]

      Pour Christophe Kullenberg, il ne suffit pas de s’appuyer sur les déclarations des droits de l’homme, « il faut construire matériellement la liberté d’expression. Et, sur Internet, la liberté d’expression, c’est le fait que le réseau fonctionne. » C’est là que les hackers de Telecomix entrent en scène. Quand l’infrastructure du réseau est hors service, ils la réparent. Quand les dictatures dressaient des murs, ils creusaient des tunnels. « si on ne défend pas l’internet libre, on ne saura pas ce qui se passe sur la place Tahrir. »

      Contrairement à d’autres collectifs de hackers, Telecomix, Christophe Kullenberg en tête, a fait le choix de la transparence totale sur ses actions. La raison en est simple : « on ne peut pas rester anonyme quand on veut participer à une séance du Parlement européen à Bruxelles. » Et aussi : « Quand vous piratez le réseau d’un pays, vous êtes dans l’illégalité. Pour débloquer Internet au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord, on est obligés d’enfreindre une foule de lois dans les pays concernés. Mais on bénéficie d’un soutien moral chez nous. » et plus encore du soutien de toutes les personnes dont les cybermilitants suédois ont fait la connaissance, en Iran, en Tunisie, en Egypte, en Syrie et ailleurs. Aider les militants chinois à creuser des tunnels cryptés sous le « bouclier doré » [nom du pare-feu mis en place par la Chine] est un travail incessant.

      Sauver l’Internet libre est une besogne lourde et chronophage. Quelqu’un doit bien nourrir le feu de Prométhée. Mais celui qui se dévoue contribue aussi à façonner l’avenir, ce qui peut expliquer qu’une personne comme Kullenberg – qui ne possède lui-même ni Smartphone ni compte Facebook – passe le plus clair du temps à se battre pour que des gens qu’il n’a jamais rencontrés aient la possibilité d’exprimer leurs opinions sur les réseaux sociaux. Voilà qui lui promet sans doute de nouvelles nuits blanches.

     

      Claes Lönegard, Courrier International.


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  • Le G20 n'est pas un "G vain"

    Source : Alternatives Internationales

    Un article intéressant, qui pointe les récentes avancées positives de l’économie mondiale, afin de ne pas sombrer dans la caricature et l’alarmisme. Attention, cependant ! On ne peut pas dire que le monde a viré au rose…

      Loin d’être l’organe de gouvernance économique que certains appellent de leurs vœux, le G20 n’en remplit pas moins, malgré ses défauts, un important rôle de régulation.

      La France avait placé la présidence du G20 sous le mot d’ordre flamboyant « Nouveau monde, nouvelles idées ». Mais le cours des évènements a imposé son rythme : les 3 et 4 novembre derniers, la crise des dettes souveraines en Europe a pris le sommet de Cannes en otage et capturé l’attention des médias. Certains, déçus par ses résultats peu concrets, jugent le G20 inutile. C’est une conclusion erronée. L’économie mondiale a besoin d’une meilleure gouvernance. Demandons-nous plutôt où en est cette ambition que le G20 était censé incarner.

      Face à la crise économique la plus grave depuis 1929, les gouvernements ont retenu les leçons de l’entre-deux guerres. Le plus important est le climat de coopération internationale qu’ils ont réussi à instaurer. Il a permis la définition de politiques coordonnées  et la création d’un nouveau forum pour traiter les affaires du monde, le G20 [NDLR : Rappelons que les confortistes sont en faveur d’une reprise de l’économie par la base, par des coopératives par exemple. Mais des avancées au niveau international sont toujours bonnes à prendre…] De Washington en novembre 2008 à Séoul en 2010n les sommets organisés dans ce cadre ont permis d’éviter la répétition de la grande dépression : assèchement du crédit, chute de la demande, aggravation dramatique du chômage, blocage de l’économie qui pousse les gouvernements dans le protectionnisme et la spirale des dévaluations compétitives aux conséquences désastreuses…

      Après le sommet de Londres, en avril 2009, le G20 a toutefois donné l’impression de piétiner. La réponse initiale, lorsque la crise a éclaté à l’automne 2008, était, il est vrai, assez facile. Les politiques budgétaires et monétaires ont partout été utilisées pour stimuler la demande et renflouer les banques. Mais depuis, les choses se sont compliquées. Les Etats, confrontés à leur endettement massif et  à l’ampleur de leurs déficits, se retrouvent en première ligne, et il leur est plus difficile de définir les « bonnes » réponses à la crise. La présidence française du G20 a fait dès 2010 le pari qu’il était possible de « mieux gouverner la mondialisation ». Elle a annoncé son intention de mettre en œuvre les programmes décidés lors des précédents sommets et de lancer de nouveaux chantiers : la réforme du système monétaire international, la régularisation des marchés agricoles et des matières premières, un fonctionnement plus efficace  et plus légitime du G20. Quels sont les résultats ?

      Atténuer l’instabilité. Les avancées sont réelles. Le communiqué final du sommet de Cannes, auquel beaucoup n’ont pas prêté l’attention qu’il mérite tant les regards étaient tournés vers le sort de la Grèce et de l’Italie, traite des questions les plus importantes pour l’économie mondiale. Des principes ont été acceptés et des décisions prises pour atténuer l’instabilité que provoque une volatilité trop forte des mouvements de capitaux. Il a été souligné que la correction des déséquilibres globaux appelle une plus grande flexibilité des taux de change. Un message qui s’applique en particulier là où ils sont fixés par l’Etat, c’est-à-dire en Chine. On a de même repoussé la tentation de recourir aux dévaluations compétitives [NDLR : Ca c’est une bonne nouvelle… à voir si elle sera suivie d’effet…]. Mission a été confiée au FMI de renforcer les filets de sécurité financiers mis en place à Séoul, et assurance a été donnée que celui-ci serait doté des ressources nécessaires pour remplir ses missions. La re-régulation de l’industrie financière se poursuit avec le renforcement des pouvoirs du Financial Stability Board (Conseil de Stabilité Financière), qui sera doté de la personnalité juridique. On a procédé à l’identification des banques systémiquement importantes, auxquelles des ratios de fonds propres plus élevés seront imposés.

      Finance fantôme. Le G20 a complété les mécanismes de régulation et de supervision des marchés de produits financiers dérivés et a tenté de réguler de « shadow banking », cette part désormais importante de l’activité financière qui, tels les hedge funds, échappe aux règles prudentielles imposées aux banques. En ce qui concerne le système monétaire international proprement dit, le communiqué énonce pour objectif de voir le DTS (« Droit de tirage Spécial », réserve de change gérée par le FMI) « mieux refléter les réalités économiques et financières de l’heure ». Concrètement, il s’agit de faire entrer la monnaie chinoise dans le panier de monnaies qui définit le DTS : un pas en avant impensable il y a deux ans.

      Là où il est permis d’être sceptique, en revanche, c’est sur les capacités du G20 à améliorer d’autres aspects cruciaux de la gouvernance mondiale. Par exemple, devant l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre et face aux impacts économiques et sociaux de la flambée des prix des hydrocarbures, comment se fait-il que le G20 soit incapable d’impulser une action coordonnée en faveur du triptyque climat-énergie-croissance verte ? D’autres critiques sur le fonctionnement du G20 apparaissent pas ailleurs justifiées. Ses sommets ont une faible capacité d’entraînement sur l’action des institutions internationales, sur lesquelles repose in fine la capacité d’agir ?

      A Cannes, on n’a guère progressé sur les moyens d’empêcher de nouvelles flambées des prix agricoles, à l’origine des émeutes de la faim de 2008. La mise en œuvre des décisions des sommets reste souvent problématique, comme par exemple la question d’une « surveillance » macroéconomique plus active de la part du FMI. Enfin, l’agenda devient progressivement de plus en plus chargé, comme celui de feu le G7, et la démarche devient plus laborieuse, au fil de négociations entre un grand nombre de pays aux intérêts, aux priorités et aux susceptibilités différentes.

      La question des méthodes de travail du sommet reste ouverte : la présidence française avait demandé au Premier ministre britannique un rapport sur la gouvernance mondiale d’où est ressortie une préférence pour un fonctionnement assez informel plutôt que pour un nouvel alourdissement des institutions internationales. Ces sommets ont aussi, depuis l’origine, vocation à établir un contact personnel entre les leaders, un facteur important pour renforcer un climat de compréhension et de confiance mutuelles. La décision d’écarter la création d’un secrétariat général, qui serait devenu un nouvel agrégat bureaucratique, est sans doute sage et la formation, pour piloter les travaux, d’une troïka formée des présidences passée, présente et future constitue une façpn légère de donner plus de continuité à l’action des sommets.

      En conclusion, il est prématuré d’imaginer que le G20 puisse à brève échéance devenir une instance de gouvernance mondiale. Des réactions sévères, telle celle de Wolgang Munchau, éditorialiste du Financial Times – « Le sommet a démontré de manière presque comique son inutilité pour assurer l’avenir de la finance mondiale » - se trompent sur ce qu’il est raisonnable d’escompter de ce type de diplomatie financière. Il n’y a pas de « grand soir » à attendre,  c’est une démarche faite de compromis et de petits pas successifs. Il faut surtout se représenter ce que serait l’alternative : le choc, comme dans l’entre-deux guerres, des intérêts nationaux avec les conséquences dévastatrices sur les échanges internationaux, l’activité et l’emploi. Le sommet de Cannes n’est pas le début d’un Nouveau Monde mais une étape dans un processus difficile où chaque nouveau pas ajoute un peu de cohérence à l’édifice. Rendez-vous donc à los Cabos au Mexique pour le prochain sommet, les 18 et 19 juin prochains.

     


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  • Une vidéo bien sympathique... Nous ne pouvons qu'être d'accord avec les paroles de ces rappeurs :-)


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  • Une "autre économie" possible malgré la crise

    Source : "Le Monde", pour Direct Matin


      Crise ou pas, alors que toute l'Europe se mobilise pour la survie de la zone euro, l'économie sociale et solidaire (ESS) - associations, coopératives, mutuelles et fondations - se porte bien. Dans l'Union Européenne, elle emploie plus de 11 millions de salariés, soit 6% de l'emploi total.

      En France, tandis que les chiffres du chômage sont à nouveau en hausse, l'ESS continue de recruter. Cette "autre économie" caractérisée par des objectifs non lucratifs, un mode de gouvernance participatif ou la finalité sociale de ses activités, affiche en 2010 une progression annuelle de 1,3% en termes d'emplois et de 2,8% en masse salariale. Le secteur représente un emploi sur huit : 12,5% de l'emploi salarié privé en 2010, contre 12,2% un an plus tôt, et quelque 10% du PIB.

      Le mois de novembre sera, pour la 4e édition du Mois de l'économiesociale et solidaire dont "Le Monde" est partenaire, la vitrine des initiatives de ce secteur, d'une part pour améliorer sa notoriété auprès du grand public, mais surtout pour convaincre les dirigeants politiques, à quelques mois de l'élection présidentielle, du bien-fondé de la réorientation de l'économie. A cette fin, les acteurs de l'ESS ont adressé aux futurs candidats une douzaine de propositions concrètes pour adapter l'économie aux changements sociaux, comme la limitation des écarts de rémunération ou la consultation des employeurs de l'ESS dans l'élaboration des politiques publiques.

      Mais si, au nom de la défense de l'intérêt général, de la réduction des déficits publics et des aspirations de la société civile, le futur gouvernement prenait la balle au bond et demandait à l'ESS de prendre en charge une part plus grande de l'économie, cette dernière serait-elle prêt à le faire ? "L'ESS a toujours dit qu'elle ne contribuerait pas volontairement à la réduction du rôle de l'Etat. Mais elle est son partenaire naturel et, à ce titre, elle est déjà très présente dans la protection sociale, à travers les mutuelles de santé et les retraites complémentaires", répond Thierry Jeantet, président de l'association des Rencontres du Mont-Blanc, une sorte de Davos de l'économie sociale. L'ESS pallie déjà le désengagement de l'Etat : l'action sociale (38,5% de son sactivité contre 36,8% en 2008) et l'éducation (15,1% contre 15,8%) sont ses deux premiers secteurs d'activité.

      L'ESS a des atouts indéniables pour prendre une part plus grande dans l'économie. "Sa croissance dans le monde des services n'est pas terminée; le commerce équitable est un champ qu'elle est loin d'avoir fini de développer; son rôle dans l'accompagnement ne peut que s'étendre", indique Thierry Jeantet. En outre "ses emplois sont essentiellement non-délocalisables et la satisfaction au travail y est meilleure que dans les entreprises privées classiques, malgré des salaires relativement inférieurs à la moyenne" [NDLR : ce n'est pas forcément un exemple à suivre...] indique Guillaume Légaut, délégué général du Ceges (Conseil des entreprises employeurs et groupements de l'économie sociale).

      Depuis quelques années, le secteur semblait cantonné à l'économie de "réparation" (insertion, assistanat, etc.). L'ESS était bien reconnue capable d'agir contre la pauvreté, mais à la marge. Les cadres vieillissants ne voyaient pas arriver de successeurs. Or l'accroissement des inégalités et le contexte de mondialisation ont mis l'économie sociale face au défi de changer d'échelle. Les polémiques entre les "valeurs communes" entre les coopératives, les associations, les mutuelles, voire les entreprises sociales ont cédé le pas aux tentatives de convergence. L'ESS a fait des émules auprès de la jeune génération dans les grandes écoles (Essec, HEC). C'est aujourd"hui au tour de la Commission Européenne de franchir "une étape forte", déclare Tarik Ghezali, délégué général du Mouvement des Entrepreneurs sociaux. En publiant une "initiative pour l'entrepreneuriat social", plan d'action à court terme pour accompagner le développement de l'économie  et de l'innovation sociale, elle ouvre une porte vers davantage de financements, en permettant aux entreprises de l'ESS de se financer sur les marchés. Pour changer d'échelle, l'ESS est donc à un tournant de son développement.


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